Festival du livre de Cabestany. Une 16ème édition qui explorait les notions de différence, laïcité, identité...
Beaucoup de monde, le week-end dernier, au Centre Culturel, auprès des stands des éditeurs, aux spectacles, aux débats...Le thème, il est vrai, renvoyait à l'actualité brûlante, voire consternante, avec les récentes expressions racistes. Saluons donc cette manifestation culturelle qui aborde frontalement de grandes questions sociétales. Ce que soulignaient Edith Pugnet, Conseillère Municipale déléguée à la culture et Jean Vila, Maire, dans leurs propos d'inauguration.
L'invitée d'honneur, Leila Marouane
Journaliste et femme de lettres franco-algérienne, Leila Marouane est le fruit d'un grand métissage culturel , religieux, ethnique. Lors de la rencontre littéraire, André Bonet citait plusieurs de ses « ouvrages importants » : « La fille de la casbah », « Le châtiment des hypocrites », « La vie sexuelle d'un islamiste à Paris »...Il évoquait, également, ses origines, « un père communiste et antireligieux, une mère féministe anticolonialiste » ainsi qu'un événement traumatique, Leila Marouane a été agressée par un commando en 1989. D'où la clandestinité, l'exil, autant d'éléments fondateurs de son engagement et de son entrée en écriture. Pour elle, la littérature est « un moyen de résistance », de combat contre les maux dont souffre son pays. En lutte contre le Code de la famille qui réduit la femme à la soumission, contre l'islam politique (elle déplore que l'évolution de l'Algérie n'ait pas servi de leçon aux pays du printemps arabe) en tant que féministe et écrivaine, elle se considère comme bannie dans son pays, même si ses livres sont dans les bibliothèques. Leila Marouane écrit en français, « cette langue est en nous, parmi nous, pendant très longtemps l'arabe nous était interdit. » Sur son vécu en France, elle pointe « la schizophrénie de la société française : on déplore le communautarisme mais on le construit ». Pour elle, la montée du FN est « une goutte d'eau, car la France c'est aussi Sartre, Alleg ...même si ce n'est pas facile tous les jours... »
La diversité culturelle en débat
Animé par Robert Triquère, avec Zohra Guerraoui, maître de conférence en psychologie interculturelle, il restait, tout au long, dans une tonalité très théorique. Elle décrivait le processus d'acculturation ( par lequel un groupe humain assimile tout ou partie des valeurs culturelles d'un autre groupe) et ses dérives « dans ce passage d'une culture à une autre, le minoritaire se fond dans le groupe majoritaire, d'où une déculturation. » Il faut préférer le concept « d'interculturation. » Rappelant l'ambiguité du débat sur l'identité nationale, l'universitaire critiquait « cette vision statique de la culture, ce fantasme de pureté, ce sentiment que la diversité est une menace pour notre identité. » Face à l'hétérogénéité, on a tendance à simplifier donc catégoriser « il y a le eux et le nous, ce qui amplifie les différences et rend l'autre plus étranger qu'il ne l'est, l'autre me déséquilibre car il ne me renvoie pas ma propre image ». En France, poursuivait Zohra Guerraoui,on parle « d'intégration, tant collective qu'individuelle sur la base de valeurs communes qui vont faire socle, mais c'est un déni du métissage ». Puis de rappeler « la France s'est construite sur des vagues de migrations avec des mouvements de rejet, aujourd'hui il y a une accélération de ces mouvements migratoires avec des populations de plus en plus hétérogènes, d'où des écarts culturels plus importants, des gens dits inassimilables », et de conclure « le problème est plutôt dans les conditions économiques et sociales de ces migrants. »
Il restait peu de temps aux autres intervenants. Citons le sympathique et souriant Eugène Ebodé, écrivain « ce sont les pratiques, notamment religieuses, qui obscurcissent le vivre ensemble » et de plaider pour « une culture cumulative, on ajoute la part qui permet l'enrichissement, alors qu'on est dans la division... » Nazim Mekbel, pour sa part, se disait « choqué par les jeunes beurs qui parlent de l'islam comme identité et non comme religion, la confusion culture-religion est un faux débat ».
Enfin, l'éditrice Hélène Bonis, présentait sa maison d'édition, Le Sablier, qui s'attache à offrir aux enfants des ouvrages sur » la connaissance de l'autre, sur l'ouverture au monde ».