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Archipel. « La résistible ascension d'Arturo Ui » de Brecht mise en scène de Dominique Pitoiset avec Philippe Torreton , d'une vérité et d'une actualité effarante.

 

Revue et corrigée par le tandem Pitoiset-Torreton, La résistible ascension d'Artuto Ui, pièce écrite par Brecht en 1941, est une formidable baffe, un appel au réveil des consciences face au péril brun. Ce n'est pas pour rien que le spectacle est en tournée en France pendant la campagne des présidentielles. Les protagonistes ne font pas mystère de leur volonté de passer un message, ils sont sacrément payés de retour. A l'Archipel de Perpignan les deux représentations ont fait salle comble, le public s'en est retourné alarmé, sonné.

Le rideau se lève sur une salle de conseil d'administration, grise, fermée, au fond, d'une rangée de coffres-forts qui se révéleront aussi des compartiments d'une morgue. Assis dos au public, un homme regarde une vidéo : Ricardo Mutti dirigeant Nabucco de Verdi en mars 2011 faisant reprendre par les spectateurs le fameux chœur patriotique des esclaves, Va pensiero, pour protester contre la politique culturelle de Berlusconi. L'homme se retourne, c'est Ui-Torreton tenant devant lui un exemplaire de Mein kampf orné de la photo d'Hitler, le ton est donné, on est dans une mise en scène choc qui décline avec une rare puissance musique, vidéo et interprétation hors pair. La musique rythmera la sûre et implacable prise de pouvoir par Ui, des sons assourdissants du groupe metal industriel Rammstein, aux fulgurances des Carmina Burana de Carl Orff en final, un compositeur largement récupéré par le IIIe Reich.Tout dans ce foisonnement magnifique renvoie à aujourd'hui, allusions à peine voilées et drôlatiques au cas Fillon, à la gestuelle de Sarkozy. Plus étranges, les images de casseurs pendant les manifestations contre la loi travail suivies de celles de l'incendie du Reichstag ? Peu à peu, quand l'entreprise d'asservissement est en place, que les plus résistants cèdent au tyran, l'effroi vous saisit. Ui discourt sur « le règne du chaos », conspue la corruption, cultive la peur en exagérant l'insécurité, cible d'improbables fauteurs de troubles...Des propos, cependant, sans agressivité, café du commerce, l'horreur, les crimes, ça se passe en coulisse. Philippe Torreton est génial, ramassé sur lui même tel un lutteur, sans cesse en mouvement, occupant tout l'espace, faussement rassurant, il fait merveille. Le reste de la distribution est à l'unisson dans cette parabole à portée universelle. Elle se clôt sur un final glaçant, des drapeaux tricolores au vent, le dictateur en tribune, mimant un discours pendant que s'affichent les mots : autorité, inégalité, identité. Trop fort, trop vrai !

 

NG

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