L'exception culturelle sauvée des griffes de la marchandisation

 

La mobilisation a payé, n'en déplaise à M. Barroso

Un ouf de soulagement pour tous ceux pour qui refusent que la culture, activité humaine d'émancipation, d'épanouissement, soit soumise aux règles de l'économie de marché. Sous l'impulsion de la France, dans le cadre des négociations transatlantiques sur le commerce, l'exception culturelle a été préservée et l'audiovisuel ne sera pas concerné.

Aussi inimaginable que cela paraisse, alors que l'exception culturelle a toujours été partie intégrante de la construction de l'Union Européenne, pour en arriver là, il a fallu se battre! A l'Assemblée la députée Marie-George Buffet s'étonnait : « Comment un tel acquis peut-il être remis en cause ? »

Mais au moment où, en Grèce, la Télévision publique est en noir, tout semble sous la menace permanente des logiques libérales à l’œuvre en Europe. Aujourd'hui c'est ce traité de libre échange dit « partenariat transatlantique de commerce et d'investissement » que l'U.E négocie avec les États-Unis. Un accord transatlantique qui mettra notre développement sous tutelle des grands groupes financiers, ce qui, dans le domaine culturel signifie Google, Apple, Amazon.

S'il faut saluer la position de la France, elle s'explique en grande partie par la mobilisation. A Cannes, des milliers de signatures ont été réalisées, Steven Spielberg, lui même, a pris position. On a vu Costa-Gavras et Bérénice Béjo se rendre à Bruxelles pour soutenir l'exception culturelle. Un appel de 500 artistes de la SACEM a refusé la logique mercantile appliquée à la culture...C'est revigorant et doit faire chaud au cœur de tous les artistes et autres intermittents qui, dans tout l'hexagone, souvent dans des conditions précaires, font vivre la création, l'imagination, la réflexion, activités humaines par excellence.

Tous les nuages, hélas, ne se sont pas dissipés. La décision n'est pas définitive et pourrait être rediscutée. On connaît les remarques déplacées de l'ignoble Barroso traitant la position française de « réactionnaire », il risque de ne pas lâcher le morceau. Aussi faut-il rester sur le qui-vive, Jack Ralite suggère opportunément la création d'un comité de vigilance.

En même temps, cette affaire renvoie à la situation dans notre pays où, pour la première fois dans l'histoire de la Vème République, le budget de la culture a baissé : moins 110 millions d'euros soit moins 4,3 %. Un nouveau renoncement de François Hollande qui devait « sanctuariser » ce budget. De grands projets sont aujourd'hui aux oubliettes, la rigueur budgétaire frappe les petites structures, les collectivités territoriales étranglées financièrement n'en peuvent mais, le gouvernement tient des discours véhiculant une vision utilitariste et mercantile de la culture. Combattre ces orientations est un enjeu démocratique et de citoyenneté. Déjà, 17 organisations professionnelles et fédérations du spectacle vivant ont signé une lettre ouverte au Président de la République pour l'engagement de l’État en faveur de la création, de l'art, de la culture. Joint à cette première victoire sur l'exception culturelle voilà un signe fort, une belle marque de résistance aux dogmes de l'austérité et de la marchandisation.

Nicole Gaspon